La route fut bien calme et silencieuse. En même temps, Alaïs avait eu raison. Ils avaient été imprudents à discuter librement sur la plage. N’importe qui aurait pu les entendre. C’est pour cette raison qu’il avait semblé distrait durant le trajet. C’était comme s’il surveillait constamment ses arrières. Après tout, Morgane prenait un malin plaisir à le torturer. Pourquoi ne prendrait-elle pas un malin plaisir à l’espionner ? Enfin, si tel était le cas, il valait mieux qu’il soit prudent. Alaïs était bel et bien vivante et il ne voulait pas la perdre à nouveau après avoir été imprudent.

Quand ils entrèrent, Frederic eut l’impression de découvrir un tout autre monde. Les bancs de parcs et les escaliers de béton des différents édifices où il avait l’habitude de dormir n’existaient soudainement plus. C’était pareil au jour où il était arrivé à Camelot pour la première fois. Lui qui avait eu l’habitude de dormir sur le sol, il avait eu droit à un lit, de quoi lui faire gouter au luxe pour les pauvres…

En tout cas, Alaïs n’était pas pauvre. Elle semblait bien vivre. Elle lui dit de faire comme chez lui au moment où il déposa son sac par terre. Il entra un peu plus loin pour découvrir le décor et eut une certaine attirance envers l’aquarium. Il fut émerveillé de découvrir des poissons de couleurs, des poissons qu’il n’avait jamais vu avant. Puis il se demanda si vraiment les gens avaient des poissons comme animal de compagnie dans la vie, ou bien si c’était seulement Viviane qui en avait, question de lui rappeler Avalon.

Celle-ci le sortit de ses pensées. Il la regarda en souriant, comme un idiot, et l’entendit lui demander s’il voulait quelque chose à boire ou à manger. Il reposa donc ses yeux sur l’aquarium. « Je veux bien. » Il n’aimait pas s’imposer de la sorte, mais il était vrai qu’il avait faim, et soif. Être un sans-abri n’était pas facile tous les jours. En fait, il était rare que ce le soit. Il suivit donc Alaïs vers la cuisine.

Celle-ci répondit aux questions qu’il lui avait posées à la plage, concernant Guenièvre. Regardant les murs un peu, il finit par poser son regard sur elle pour l’écouter plus attentivement. Après tout, c’était bien plus important que l’émerveillement qu’il avait pour le décor de l’appartement d’Alaïs. Alors la reine s’appelait Annya Gordon. C’était très joli comme nom. Ce qui l’était moins, c’était sa situation. Comme la dame du lac le disait, Morgane devait sans doute se plaire à voir Guenièvre de nouveau réduite au rang de servante. Après tout, elle voulait la couronne…

Viviane s’excusa alors de ne pas pouvoir lui donner plus de détails. Vraiment ? Parce qu’à ses yeux, elle venait de lui offrir un énorme cadeau. Elle lui offrit en plus de répondre à toutes ses autres questions. Certes, il en avait, même la concernant, mais il n’avait pas le temps d’essayer de comprendre la magie d’Avalon. Il prendrait ce temps-là une autre fois. De toute façon, celle-ci lui parla de le présenter à Annya, chose qui le fit réagir immédiatement.

« Non. » Enfin, il secoua la tête rapidement, pendant une fraction de seconde, pour se reprendre. « Enfin, ce n’est sans doute pas une bonne idée. Si la reine a été réduite au même rang qu’elle avait avant, ça veut sans doute dire que Morgane n’est jamais loin pour la surveiller. Il ne faut pas oublier que la seule personne qui se tienne entre elle et le trône, c’est Guenièvre, ou plutôt Annya, maintenant. »

Frederic détourna le regard. Dans sa tête, les réflexions défilaient rapidement, de là à l’en étourdir presque. « Comme tu as dit, Morgane aime me pourrir l’existence, mais je pense qu’Annya est plus sujette à souffrir que moi de sa situation. Puis ce pourrait être dangereux pour elle. » Il marqua une pause avant de la regarder encore. « Dans la ville, les choses commencent à changer. Même la grande horloge au dessus de la librairie a recommencé à tourner. Ce qui veut dire que celle qui doit briser la malédiction est sans doute près de le faire. À ce moment-là, Annya sera sans doute en danger. En attendant, il me faut éviter tout contact avec elle pour éviter toute suspicion de la part de Morgane. Ça nous fera gagner du temps. » Mais quel génie ! Vraiment ? « Morgane ne te connait pas à mon souvenir. Ce qui fait que c’est toi qui doit la protéger. Du moins, jusqu’à ce que j’aie retrouvé Arthur et que la malédiction soit brisée. » Maintenant qu’il avait eu ses éclairs de génie, il avait mal à la tête. Il n’avait pas l’habitude de réfléchir autant. Normalement, le génie, c’était Gaius. Dommage qu'il ne puisse pas l'aider.